INSTITUT LEININGER
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Pourquoi respirer par le nez ?
Son bon fonctionnement est essentiel pour la
tradition du souffle qui prévoit
la pratique du Pranayama, le
travail sur le souffle.
Cette étape du Yoga demande de donner la
priorité à une bonne respiration ample, profonde, lente, ce qui demande
d'avoir un
diaphragme détendu, ce qui est excellent pour la santé et permet de
bien respirer.
Développer la conscience du
souffle comme nous le faisons en cours et lors des
stages de façon
plus poussée
permet de sentir le rapport entre
Yoga et énergie, entre
Yoga, énergies,
humeurs et souffles et entre
Yoga, ascèse et énergie.
Voyons à quoi sert le diaphragme.
Avez-vous du nez ?
Celui de Cyrano est célèbre, quant à celui de Cléopatre, il semble avoir
eu un rôle dans la destinée du monde ... Et il est pour chacun de nous, un
organe précieux, bien plus qu'un simple appendice : il nous met en rapport avec
le monde extérieur, de façon beaucoup plus importante qu'on ne le pense.
Il est surprenant de voir des esquimaux se souhaiter "Bonjour" : ils le font,
paraît-il, en se frottant mutuellement le bout du nez. Il s'avère que cette zone
de notre anatomie compte un grand nombre de points sensibles, autant au cm2
... qu'au bout des doigts ... Surprenant, non ?
L'autre aspect relationnel de ce relief anatomique est dans sa relation à "son"
cerveau.
Intelligence nasale ?
Est-il si surprenant de mettre en relation le nez et le cerveau ? A vrai
dire, non, car chacun de nos sens qui nous met en relation au monde, se doit de
ramener les informations vers l'encéphale où elles sont centralisées,
assemblées, traitées.
On pourrait ainsi dire, avec justesse, que lorsqu'on regarde quelqu'un dans les
yeux, on voit son cerveau ... puisque les globes oculaires ne sont que les
prolongements des nerfs optiques, eux-mêmes directement reliés au cerveau.
Nez et cerveau.
Il en est de même pour le nez : émanant du cerveau, les nerfs olfactifs
traversent la "lame criblée" qui est la structure osseuse percée servant de
séparation entre l'encéphale et les fosses nasales. Ces prolongement nerveux
sont en rapport direct avec l'air des voies respiratoires supérieures, ce qui
nous permet d'être en permanence informé sur les senteurs de l'atmosphère.
L'émergence des nerfs olfactifs se fait à partir d'une zone cérébrale
particulière nommée "bulbe olfactif", qui est une sorte de pédoncule servant de
prolongement antérieur de la masse cérébrale.
Il semblerait, cependant, que le trajet de l'air lors de l'olfaction, soit
différent de celui de la simple inspiration. D'ailleurs, le mouvement de la tête
et l'ouverture des narines lorsqu'on sent; lorsqu'on renifle, sont différents
que lorsqu'on respire naturellement ; dans ce cas précis, aucun mouvement
particulière n'est à noter.
Revenons au bulbe
Ce bulbe olfactif fait partie de ce que l'on nomme le rhinencéphale
(littéralement l'encéphale en rapport avec le nez). Cette structure particulière
de notre système nerveux central est le siège de fonctions essentielles à notre
vie : les émotions, la mémoire à long terme. Pour reprendre une terminologie des
années 50, suite aux travaux de Mac lean et de Henri laborit, on nomme aussi
cette partie cérébrale, le cerveau "paléo-mammifère", ou encore "système
limbique". Nous l'avons en commun avec tous les mammifères existants, et ce,
depuis les plus anciennes époques d'apparition des mammifères. Les poissons et
les reptiles n'en sont pas munis, c'est donc le processus évolutif de la vie qui
a permis cette acquisition nouvelle lors de l'évolution terrestre.
Parlons du nez ...
Il y aurait donc un lien organique entre les sentiments, la mémoire, et le
nez ... Le langage courant l'affirme : on dira de quelqu'un qu'on ne peut pas le
sentir, qu'on l'a dans le nez, ou encore qu'il est puant, ou irrespirable.
Lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il nous sort par les pores, on est encore dans une
relation à la respiration, mais liée à la peau cette fois. Cette structure
archaïque puisqu'aussi ancienne que l'existence des mammifères, soit environ 70
millions d'années, est liée à d'autres ressentis animaux : ainsi il peut arriver
parfois qu'on manque d'air, qu'on étouffe, ou encore qu'on ressente le besoin de
s'aérer, de changer d'air ...
Associé à ce qui a été dit plus haut, on connaît ce comportement très humain
consistant à prendre un premier contact, pour voir de quoi "ça a l'air" ...
autant pour une relation humaine que pour une relation d'objet.
Une anatomie riche et complexe
Le nez pose de nombreuses interrogations. La première se trouve dans la
composition de la muqueuse nasale, elle-même, constituant ce que l'on nomme les
cornets. Faite de tissu érectile, donc très richement vascularisée, cette
muqueuse en augmentant ou en diminuant de volume, resserre ou ouvre le passage
de l'air. Cette variation des ouvertures serait en rapport avec les conditions
météorologiques (il existe d'ailleurs une perturbation nommée
"météorosensibilité" marquée par une fermeture fréquente des narines par ces
cornets).
Illustr. : Position et
rapport des différents éléments en présence : bulbe olfactif, cellules
olfactives, et cornets
L'air de rien ...
Un autre élément déclenchant ces variations du diamètre des narines réside
dans la qualité de l'air inspiré ; la pollution, par exemple, en excitant les
muqueuses, provoquerait la fermeture plus ou moins complète des voies aériennes
supérieures.
Autre grande question concernant ces cornets, celle de la fermeture alternée. On
remarque que même dans des conditions stables de la qualité de l'air ou des
conditions atmosphériques, les narines ne sont pas ouvertes de façon égale. De
plus, toutes les 2 heures environ, la narine fermée jusque là, s'ouvre, tandis
que l'autre va voir son passage se rétrécir. Ce phénomène reste un mystère
entier, que les yogis anciens avaient repéré depuis longtemps ...
On prétend même que certains yogis
modifient délibérément cette alternance, soit à l'aide d'un appui particulier
(j'y viendrai dans un instant), soit à l'aide de la pesanteur : le simple fait
de s'allonger sur le côté libère la narine supérieure au bout de seulement
quelques dizaines de secondes d'immobilité.
Souffle et énergie
L'autre façon utilisée par les yogis est d'appuyer l'aisselle sur une sorte
de béquille en forme d'Y dont le creux entre sous l'aisselle. La simple pression
dégage la narine opposée au bout de quelques secondes seulement. Sans utiliser
cet ustensile encombrant, on peut si on est assis, placer le genou contre le
creux de l'aisselle, ou bien, en position debout ou autre, presser la pulpe du
pouce au creux de l'aisselle.
La simple fermeture d'une narine n'est pas anodine, mais a une conséquence de
taille : la fermeture du passage de l'air entraîne la fermeture du poumon
correspondant. Il importe donc que les narines soient bien ouvertes, en toutes
saisons.
Question de polarités
Il y aurait dans cette variation de l'ouverture des narines, une question
énergétique. La narine gauche, du côté féminin, côté lunaire, préside au repos
et au sommeil. La narine droite est solaire et masculine ; elle est donc en
rapport avec l'action, l'éveil, le mouvement. Ces deux polarités sont celles que
le yogin cherche à équilibrer, ce que l'on retrouve dans la notion de
Hatha-Yoga, où Yoga a le sens d'action de jonction, tandis que Ha et Tha sont
deux syllabes en rapport avec le soleil pour la première, et la lune, pour la
seconde. C'est aussi au niveau des deux narines que les ""nâdi", ou rivières,
c'est à dire courants d'énergie, se rejoignent. Ida et Pingala sont les noms de
ces deux courants, respectivement lunaire et solaire, qui, bien entendu seront
purifiés par le pratiquant, au moyen d'une technique respiratoire spécifique :
la respiration alternée.
Energie et oxygène
De façon générale, en plus de la conduction de l'air vers les poumons, le
nez a pour fonction de capter le prâna dans l'air ambiant, prâna ou énergie de
moins bonne qualité dans nos villes et de qualité supérieure dans les campagnes,
à la montagne, ou au bord de l'océan, surtout si les vagues viennent heurter
avec force les rochers. Il suffit de devoir respirer par la bouche pour se
rendre compte de la fatigue que cela engendre, alors que, manifestement, on peut
prendre la quantité d'air suffisante. Il semblerait donc que le passage de l'air
doive se faire impé-rativement par les deux narines pour apporter à la fois
l'oxygène dont on a besoin, et l'énergie, le prâna qui soutient la vie et dont
nous profitons.
Illustr.
L'air des villes est moins riche en prâna
La respiration par la bouche est possible et adaptée à l'activité sportive ;
le carrefour du pharynx permet le passage de l'air vers les poumons, qu'il
vienne des voies respiratoires supérieures ou de la bouche, comme l'indique le
schéma ci-après. Cependant, les narines sont faites pour accueillir le souffle
et le réchauffer, en même temps que prendre l'énergie et pas seulement l'oxygène
qui est capté par les alvéoles ; c'est pourquoi il est préférable de respirer
par le nez plutôt que par la bouche.
Illustr. :
Le pharynx, carrefour où se rencontrent
les voies respiratoires supérieures et la voie alimentaire
Respiration alternée
Bien connue des yogis, la respiration alternée a une double fonction :
équilibrer les souffles, et aussi, purifier les courants d'énergie, les nâdis.
Une Upanishd célèbre, la Yogatattva Upanishad, donne une description précise de
cette pratique tout en donnant des indications précises sur le mode de vie que
le yogin doit adopter. Après avoir donné quelques indications sur le
comportement du Yogi dans le monde, voici ce que dit ce texte traduit par J.
Varenne :
Illustr. :
Yogatattva Upanishad ... Yogatattva
Upanishad
Comme on peut le voir, cette pratique est destinée à purifier les nâdis, ou
courants praniques, ces sortes de "rivières" parcourant le corps et dont la
fonction est la circulation de l'énergie. Le seul inconvénient de cette
description est dans les durées indiquées : il faut apparemment se consacrer à
la pratique durant trois mois pleins, car chaque pratique quotidienne occupe
l'adepte pour une longue durée.
Calculons un peu ...
Selon la tradition, le pratiquant connaît des durées de rétention du souffle
variables, allant de 48 secondes à ... 2 minutes et 24 secondes. Il ne s'agit là
que du temps d'arrêt du souffle, on ne compte donc pas le temps d'inspiration ni
d'expiration. Si on s'en tient à une durée d'une minute pour un cycle
respiratoire complet (ce qui est peu, en comparaison avec les chiffres
ci-dessus), on se rend compte qu'il faut pratiquer alors 4 fois 80 minutes ...
320 minutes, donc 5 heures et 20 minutes sont nécessaires à cette pratique
respiratoire ... Il faut y ajouter le Hatha-Yoga, ou Yoga du corps, et la séance
de Méditation. Si le coeur vous en dit, et si votre temps vous le permet ...
Un conférencier ostéopathe m'expliquait il y a quelques mois le rapport existant
entre la respiration nasale et l'intériorisation : selon lui, elle est évidente,
comme le montre le dessin ci-contre. La respiration par les voies respiratoires
supérieures est donc la clé ouvrant l'accès aux états mentaux différents, au
changement du plan de conscience, ce que les Yogis hindous avaient trouvé depuis
longtemps, ainsi que d'autres adeptes de pratiques différentes, telles celles du
taoïsme.
Le nez ... sympathique
La respiration par le nez est nécessaire pour une autre raison : la
dépression pulmonaire qu'elle crée assurant une aspiration plus forte de l'air
ambiant, ce qui engendrerait un meilleur échange au niveau alvéolaire. En
premier lieu, l'entrée de l'air est mieux répartie du fait de l'expansion
équilibrée du thorax : le frein que constitue le passage de l'air sur la
muqueuse permet que l'air entre en se répartissant sans privilégier telle ou
telle zone des poumons. D'autre part, la force de l'aspiration, du fait de ce
frein, améliore les échanges gazeux au niveau alvéolaire.
Enfin, je ne laisserai pas de côté la sympathique sympathicothérapie : selon les
zones de la muqueuse nasale stimulées, on obtient des effets sur les fonctions
psycho-physiologiques, comme l'indique la planche ci-dessous. C'est tout le
système sympathique, celui qui gère nos fonctions végétatives, qui en reçoit le
bénéfice.
La respiration nasale est donc une nécessité vitale et salubre.