INSTITUT LEININGER
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Apprendre à respirer
(article paru dans la revue Drish n° 89)
Mais en tout premier, il faut travailler à libérer le diaphragme.
Apprendre à respirer...
Cette
drôle d'expression recouvre pourtant un concept souvent utilisé en Yoga ; mais
si l'on demandait à chaque enseignant ce qu'il signifie, on serait bien surpris
de constater le nombre de réponses possibles, souvent différentes, parfois
opposées.
Quelque soit le côté par lequel on l'aborde -pédagogique, technique,
physiologique, anatomique, postural- la respiration est un phénomène naturel
dépendant de plusieurs facteurs, variables selon les individus : stress,
nervosité, fatigue, manque de sommeil, tonus musculaire, position corporelle,
émotions, état psychique, activité mentale, système nerveux, besoins du corps
... Il faut aussi considérer la position du bassin, des épaules, des mains, de
la tête, les courbures de la colonne vertébrale, la morphologie, le tonus
musculaire ...
Pour toutes ces raisons, l'expression "apprendre à respirer " n'est pas juste.
Le corps "sait" respirer naturellement, et le Pranayama, qui regroupe les
techniques de contrôle et d'allongement du souffle, doit se pratiquer à partir
de la respiration naturelle bien établie.
Alors, que faire ?
Il n'est pas question pour nous de perpétuer une erreur pédagogique
monumentale, que nombre d'enseignants répètent hélas encore, mais plutôt d'agir
dans le sens d'une respiration correcte durable.
Dans un premier temps, il faut effectuer le travail du Hatha-Yoga, ou Yoga
physique, de façon à établir et renforcer les éléments ci-dessus. Puis, il
s'agit simplement de laisser la respiration se faire de la manière la plus
naturelle qui soit.
En admettant que ceci soit acquis ou en cours d'acquisition, on va s'attacher à
suivre mentalement la respiration naturelle, sans la modifier. Plusieurs
composantes sont à mettre en place : d'abord le confort dans la position, et la
détente. La respiration naturelle peut s'observer aussi bien debout, assis ou
allongé ... L'essentiel est d'avoir un confort total et aussi que le mouvement
respiratoire ne soit pas gêné. Si le confort est bien établi, la détente est
plus aisée. On fait en sorte de détendre les muscles superficiels. Et enfin, on
laisse faire ...
Concentration
Prendre conscience de la respiration, c'est avant toute chose, et surtout
avant de modifier quoi que ce soit, s'approprier trois éléments composant le
souffle, et que les textes anciens nomment : ce sont le lieu, la profondeur et
le temps. Plus tard, dans la pratique, viendront les arrêts du souffle, comme
ils sont pratiqués lors des séminaires. En effet, le Yoga-Sutra II, 50 dit :
"Les mouvements de la respiration sont
l'expir, l'inspir, et la suspension ...".
Cet aphorisme mérite une explication. En effet, on est d'accord sur
l'expiration et l'inspiration nommées, mais qu'en est-il de la suspension et que
vient-elle faire ?
Suspension ou ... rétention ?
La première question est de savoir si Patanjali évoque la respiration
naturelle ou la respiration dans son rapport au Yoga. En Yoga, certaines
techniques se font en stoppant le mouvement du souffle : mais il faut bien
distinguer la suspension et la rétention. La suspension est le moment où, alors
qu'on est en fin de phase respiratoire, on va arrêter ce mouvement, le
suspendre, mais avec un maintien musculaire seulement, alors que, dans la
rétention, le blocage s'effectue au niveau de la gorge et demande moins d'effort
au niveau musculaire. Au plan anatomique, la rétention consiste à fermer le
passage de l'air au niveau de la gorge, par l'abaissement de l'épiglotte, qui
vient ainsi obturer l'orifice du larynx, et fermer la voie aérienne. Certaines
techniques du Hatha-Yoga utilisent cette fermeture, soit en l'effectuant
volontairement, soit en déglutissant ce qui provoque cette fermeture de façon
automatique. Ce genre de pratique est à éviter pour nous Occidentaux pour deux
raisons : la première est la nécessité, lorsqu'on désire reprendre le souffle,
de soulever le thorax pour libérer l'épiglotte de la surpression qu'elle subit,
avant de retrouver la respiration normale. La seconde tient à la passivité des
muscles inspirateurs qui sont relâchés.
Par contre, lors de la suspension, le passage de l'air reste ouvert, et on ne
fait que garder la cage thoracique ouverte, ce qui implique le maintien de
l'effort de la part des inspirateurs, qui vont ainsi gagner en tonus, et
permettront ensuite un meilleur positionnement thoracique et vertébral.
Est-ce naturel ?
Cette question de rétention et de suspension, vient de cette phrase de
Patanjali, décrivant le cycle respiratoire comme étant fait de trois moments qui
sont l'expir, l'inspir, et la suspension.
Cette suspension peut avoir lieu à poumons pleins comme à poumons vides.
Mais existe-t-il, naturellement, une pause respiratoire, ou bien la suspension
est-elle seulement une pratique du Yoga ?
Selon certains auteurs (Mme Ehrenfried, en particulier), il existe, chez tout
être humain, un temps d'arrêt du souffle. Il correspond au moment où, après
l'expiration, l'organisme ayant assimilé l'oxygène de la précédente inspiration,
vient à en manquer.
Le système neurovégétatif, au niveau de sa branche dite pneumogastrique,
déclenche l'inspiration.
Il y a donc, un temps d'arrêt, de durée relativement courte, après l'expiration,
tandis que l'oxygène se répand dans l'organisme, par le phénomène physiologique
que l'on nomme habituellement, la respiration cellulaire, permettant l'apport
d'Oxygène à chaque cellule du corps.
Le pneumo ...quoi ?
Le pneumogastrique, ou nerf vague, fait partie du système parasympathique,
lequel est complémentaire du système sympathique, ces deux systèmes assurant la
stimulation ou l'apaisement des grandes fonctions : respiration, circulation,
reproduction, digestion, métabolisme ... En cas de stress, le fonctionnement du
sympathique est dominant. Le domaine d'action du pneumogastrique s'étend des
viscères du cou, au thorax et à l'abdomen, d'où son nom de pneumogastrique.
C'est encore lui qui commande le mouvement du diaphragme, et déclenche ainsi
l'inspiration, après la courte pause naturelle.
Il faut ajouter pour être juste et complet, que ce phénomène ne peut jouer
pleinement que lorsqu'on est détendu : cette pause respiratoire naturelle
disparaît lorsqu'on est en état de précipitation, de fonctionnement rapide ou de
stress, à moins d'être capable de faire vite, tout en restant relativement
relaxé.
Concrètement ...
Compte tenu de ce que nous venons de voir, on comprend que lorsqu'on va
effectuer la prise de conscience du souffle, on va laisser s'installer cette
forme de cycle respiratoire à trois temps, sans chercher à les commander.
Lorsqu'elle sera en place, on pourra ressentir la plénitude de la détente.
Et on n'oubliera pas la suite : en effet, ces mêmes Yoga-Sutra que nous avons vu
au début, évoquant le souffle, en décrivent les composantes :
"En portant l'attention sur l'endroit où
se place la respiration,
sur son amplitude et son rythme, on
obtient un souffle allongé et subtil".
Il est vrai que se concentrer sur le souffle, permet de le rendre plus lent,
et moins perceptible au niveau du bruit qu'il fait habituellement : d'où ces
qualités de allongé et subtil.
L'intérêt de ce sutra se trouve dans les composantes de la respiration :
l'endroit, l'amplitude, le rythme.
Ventrale, costale ...
Le lieu où se place le souffle est particulièrement important à considérer,
en sachant que ce placement est naturel : en effet, l'erreur des professeurs de
Yoga des années 70 (mais cela se pratique encore, hélas, dans certains cours)
était de décrire comment se fait la respiration, et d'amener les gens à la
placer ainsi par imitation du modèle. Cela revenait à forcer son corps et son
souffle pour faire bouger certaines zones du corps d'une certaine manière, comme
s'il y avait une norme respiratoire. Ainsi, on distinguait la respiration
ventrale, ou abdominale, la costale et la supérieure, dite des femmes, parce
qu'il se disait que les dames ont plus le sens de l'esthétique que les hommes et
veillent à conserver une taille fine ...
Bien respirer
Cet apprentissage, puisque c'en était un, soi-disant, devait amener les
pratiquants débutants à "bien respirer" ... Nous ne sommes là que dans un
processus d'imitation qui est très éloigné d'une pédagogie vraie. En fait, il
n'y a pas de norme respiratoire, et la seule norme est celle du confort
personnel et de l'efficience de la fonction. Or, l'oubli de cette "pédagogie du
modèle" (c'est l'appellation consacrée), c'est que :
1/ nous sommes différents,
2/ une pratique volontaire au plan
respiratoire sera vite oubliée dès qu'on n'y
pensera plus et ne sera pas inscrite
dans le corps, contrairement à ce que l'on le croit,
3/ les problèmes de statique ou
d'attitude peuvent se trouver renforcés par
ces pratiques d'un autre âge,
irrespectueuses de l'individu,
4/ ce n'est qu'un changement complet
des éléments composant l'être qui
permettront l'établissement d'une
respiration que soit à la fois correcte et durable.
Partant de ce principe majeur lié au respect de l'être dans ce qu'il est, au
désir de lui donner les éléments nécessaires à son bien-être et à son
développement, au refus de s'en tenir à des recettes, mais à la décision de ne
proposer que des pratiques adaptées et allant dans le sens de ce qui convient à
chacun, on fera en sorte de pratiquer cette prise de conscience du souffle sans
rien forcer, en se rappelant toujours deux choses : la première qu'en matière de
souffle il est davantage question de laisser faire que de faire, et enfin, que
c'est à partir de la respiration naturelle correcte, que peuvent s'effectuer les
techniques de Pranayama, lequel est la quatrième étape du Yoga de Patanjali, le
Yoga traditionnel, et incluant les techniques de souffle du Hatha-Yoga.
Bonne
pratique