INSTITUT LEININGER
Yogathérapie - YOGA - Thérapie holistique
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- Un bon mental, une bonne philosophie de vie, un corps souple et fort pour mieux vivre sa vie -
Yoga et épistémologie
article paru dans la revue Drish n°112-113 du 2ème trimestre 2011
Comme indiqué dans la série d'articles
portant sur
Yoga, indépendance et liberté, il importe que les Ocidentaux que nous sommes
se posent la question du lien existant et devant exister entre ces trois
éléments.
Il concerne aussi la didactique, c'est à dire l'appropriationde la science du
Yoga, comme la nomme I. K. Taimni.
C'est la raison pour laquelle l'esprit de l'épistémologie doit guider aussi bien
le pratiquant que
l'enseignant, sur la voie du Yoga.
Voir aussi :
- Cours
réguliers de méditation
-
Yoga, philosophie de vie
et harmonie
-
Contrôler le mental - L'esprit de
l'école de Yoga
-
L'esprit de l'école de Yoga
- Les stages proposés
-
Pierre Bayle
- Mes engagements
-
Mon docteur
indien
- Yoga et
professionnalisme
- Prochains rendez-vous
- Qui suis-je
?
-
Méditation : fuite ou construction ? -
Yoga,
indépendance et liberté
Yoga et épistémologie
Voilà un titre qui semble bien barbare et qui, de prime abord, pourrait donner
envie de passer à autre chose et d'en venir directement à l'article suivant.
Vous allez, je pense vous habituer très vite à cet intitulé et à tout ce qu’il
recouvre comme enseignements et prises de position, tant vous reconnaîtrez dans
les lignes qui le suivent, des idées que j’ai déjà pu développer dans la revue,
lors des séminaires ou lors des séances et formations de Yoga, et cela depuis
très longtemps servant de fondement à mes points de vue et arguments.
Illustration : Il y a de la logique là …
Si en général ce genre de prise de position n’est pas facile, il le fut pour
moi puisque je me référai simplement à la raison, la logique, et aussi à
l’Orient lui-même qui, contrairement à ce qui se dit quelquefois à tort, use de
ces démarches tout en mettant en garde contre l’erreur et l’ignorance.
Exemple
Ainsi, dans le dernier numéro, nous avons pu voir à la lumière d’un exemple
simple touchant à une pratique ‘classique’ du Hatha-Yoga, que dans son
importation en Occident, le Yoga doit être soumis à
la logique et la raison,
de la part de celui qui se décide à le transmettre, du fait que
le bien-être et la santé des personnes est en jeu.
Illustration :
Une réflexion nécessaire comme prélude à la pratique
Cette prudence indispensable concerne l’ensemble du Yoga, tant ses aspects
physiques, que énergétiques, mentaux, spirituels, etc. qui ne sont pas remis en
cause, mais qui sont à reconsidérer dans leur adaptation à l’Occident du fait
des énormes différences existant entre Orientaux et Occidentaux. L’importation
et l’adoption du Yoga indien par un public non préparé et non imprégné de la
culture dans laquelle il s’inscrit, rend cette prudence indispensable et exige
des enseignants, une préparation très particulière qui dépasse de loin le simple
apprentissage de postures ou mouvements de Yoga, et des pratiquants une
vigilance qu’ils n’ont pas lorsqu’ils abordent le Yoga en toute confiance. Du
fait qu’ils estiment ne pas connaître le contenu que ce nom recouvre, ils en
oublient d’écouter leur bon sens … Or ce bon sens est exalté par certains sages
orientaux que j’ai déjà cités dans la revue ainsi que lors des séminaires de
Yoga.
Une culture
En parlant de culture, nous ne pouvons nous défaire de la nôtre, ni ne le
devons d’ailleurs, mais par contre il est tout à fait faisable de suivre
Descartes lorsqu’il disait que :
Pour atteindre la vérité, il faut une fois dans la vie se défaire de toutes les
opinions qu'on a
reçues, et reconstruire de nouveau
tout le système de ses connaissances.
On devine le travail …
Je reviendrai plus tard sur la présence puissante du raisonnement et du bon sens
dans la pensée de l’Inde et dans ses systèmes philosophiques et points de vue.
Pour l’instant, je voudrais citer deux auteurs incontournables dans l’étude du
fonctionnement de l’esprit : Gaston Bachelard et Henri Bergson.
Ce dernier disait :
… Notre esprit a une irrésistible tendance à considérer comme plus
claire l'idée qui lui sert le plus souvent.
On devine l’inconvénient de cette situation, tant dans notre quotidien, que
dans l’étude en général, que dans l’approche du Yoga en particulier. A force de
reprendre les mêmes idées, on en devient convaincu et on ne les remet plus en
question, ce qui ne veut pas dire les nier ou les rejeter, mais simplement avoir
toujours sur elles un regard de veille, une sorte de vigilance permettant de les
enrichir, les modifier, les rectifier chaque fois que c’est nécessaire.
Posture et raisonnement à l’envers ?
L’exemple de la posture sur la tête en Occident démontre ce fait : elle n’est
pas remise en question directement mais … évitée tout en étant conseillée (Cf.
Drish
n° 104) … Surprenant, non ?
Tout se passe comme si on ne s’autorisait pas à donner un avis différent de ce
que tout le monde pense et aussi du point de vue que l’on prête aux Orientaux
eux-mêmes car, si on leur donnait tous les éléments de réflexion que j’ai pu
évoquer dans la revue sur ce sujet, il et probable qu’ils diraient que cette
technique n’est pas faite pour l’Occidental moyen …
Le problème est que l'idée non revue, non réfléchie, gagne ainsi une clarté
intrinsèque totalement abusive, tant pour celui qui la véhicule que ceux qui la
reçoivent, en vertu du mécanisme décrit par Pierre Bayle qui fait qu’on a
naturellement tendance à suivre celui qui affirme une chose en laissant penser
qu’il l’a vraiment étudiée à fond … Ainsi, avec le temps, les idées en viennent
à s’imposer indûment et à prendre de la valeur simplement parce que tout le
monde s’est mis à les suivre …
Quant
à Bachelard, il ajoute cette sorte de paresse mentale qui fait qu’on aime mieux
les affirmations que les contradictions, avec le danger que cela comporte : une
sorte d’anesthésie :
… Il vient un temps où l'esprit
aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux
les réponses que les questions.
Alors l'instinct conservatif domine, la croissance spirituelle s'arrête …
La solution est dans l’utilisation du raisonnement. Cela s’applique à
l’adoption du Yoga et à sa transmission aussi.
Et le Yoga dans tout ça ?
L’esprit scientifique que définit Bachelard peut tout à fait servir à mieux
comprendre certaines dimensions du Yoga traditionnel :
… L'esprit scientifique nous
interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas,
sur des questions que nous ne savons
pas formuler clairement.
Avant tout, il faut savoir poser des
problèmes.
Et quoi qu'on dise, dans la vie
scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes.
Concernant l’appropriation du Yoga, l’enseignant et aussi le pratiquant
pourraient tous deux le prendre dans un esprit de doute constructif de façon à
fonder une véritable connaissance de la matière, sans se laisser séduire ni
influencer par certains aspects. En voici quelques uns en une liste que pourrez
sûrement compléter par vous-mêmes : exotisme, étrangeté, attirance, couleurs,
ancienneté, bien-être, encens, aura, douceur apparente,
mythologie riche et belle, mystère oriental, fantasme, détente,
mysticisme, idées attirantes, autorité philosophique ou religieuse, aspects
traditionnels, sourires, sagesses de l’Orient, costumes, langues attractives,
possibilité de trouver ‘son guide’, bonhomie, tolérance indienne, attrait pour
l’Inde, beauté des histoires et contes, facilité apparente, et j’en passe … Ce
sont là autant de risques de plonger
dans
l’asservissement
alors que, je le dis à nouveau, le but du Yoga est l’autonomie, l’indépendance.
On comprend que se forger son opinion devienne difficile dans ces conditions
d’emballage, si je puis me permettre cette expression qui jure avec le splendide
contenu de cette belle philosophie du Yoga indien.
Illustration :
Une attirance indiscutable, mais …
Ce que l’on ignore parfois, et c’est un manque, c’est cette idée de Gaston
Bachelard, qui rejoint la précédente de Descartes citée plus haut, selon
laquelle
les opinions, les idées reçues, en fait tout ce que l'on n'a pas passé au crible
de la raison, constituent autant d'obstacles épistémologiques,
c'est-à-dire des entraves à la connaissance rationnelle.
Ainsi, lorsque
l’Occidental adopte le Yoga sans réfléchir, il tombe dans un piège dont il lui
sera difficile de sortir, d’autant que, pour reprendre les propos de Pierre
Bayle,
le choix que font les gens se réduit finalement ...
… à l'autorité de deux ou trois
personnes qui, ayant débité une doctrine que l'on supposait qu'ils avaient
examinée à fond,
l'ont persuadée à plusieurs autres par le
préjugé de leur mérite.
Assumer ses choix
Les divers articles ‘Dessine-moi un mouton’
parus dans Drish
87 à 103, trouvent ici leur continuité
et leur confirmation.
Permettez-moi
de revenir à nouveau à mon fameux exemple de la posture sur la tête pratiquée en
Occident dont je ne remets en cause que cette composante de l’adoption dans nos
contrées et non de la posture proprement dite sûrement adaptée à la morphologie
et au mode de vie indiens. Poussons un peu plus loin si vous l’acceptez ; et
notons que si nous l’acceptons ensemble, c’est que nous décidons de ne pas nous
laisser détourner du but recherché dans la connaissance du Yoga et donc de ne
pas nous laisser tenter par les modèles séduisants dont celui de l’image d’un
yogi hindou ou non, en posture tête en bas.
Oublions aussi, bien que cela présente un grand intérêt, l’effet lié à la
symbolique et au fait que, comme l’indiquant André Van Lysebeth il y a une
quinzaine d’années, on devrait nommer cette position sur la tête, posture sur
les bras car le poids du corps est surtout placé sur les avant-bras … ce qui
change tout car sinon nous aurions tout le poids du corps sur l’arrière des
fragiles vertèbres cervicales adaptées à porter la tête. Le corps n’est donc pas
perpendiculaire au sol, mais marque une légère inclinaison de son axe de manière
à ce que les pieds se situent à la verticale du triangle des avant-bras.
Inversons cette image et voyons les conséquences d’une telle position telle que
décrite classiquement en appui sur le haut du front : elle est équivalente à
celle du pharaon portant une lourde tiare amenant une hyper extension du cou et
un tassement des vertèbres cervicales donc une forte cambrure de la nuque, ce
qui paraît surprenant pour des constructeurs de pyramides.
Poussons plus loin encore et observons une autre posture : celle des sherpas. Le
point d’appui de la sangle qui soutient les charges qu’ils transportent sur le
dos se trouve sur le front, mais avec la pression principale de cette masse qui
se situe dans le dos, ce qui donne mécaniquement une résultante des lignes de
force tout à fait dans l’axe de la colonne vertébrale tout entière. Or, une
bonne position verticale de la tête a pour conséquences l’ouverture du visage,
donc de tous les sens, une communication correcte avec une voix qui a toutes les
chances de bien se placer (observez à l’occasion les chanteurs lyriques et la
position de leur tête par rapport à leur corps et de leur corps tout entier),
une bonne circulation du liquide céphalorachidien dans lequel baigne tout notre
système nerveux, une bonne position du thorax d’où une bonne respiration …
(... à suivre ...).