INSTITUT LEININGER    
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       S'étirer : pourquoi ?
       

Le yoga est célèbre pour les mouvements et postures qui le caractérisent dont certains assurent un effet d'étirement ...
         
(Cet article est paru en Mars 2019 dans le numéro 151 de la revue Drish éditée depuis 1988)

Voir aussi :
       - Stages prochains                                - Les effets du Yoga sur le muscle                               - Yoga et activité musculaire                 - Votre souplesse                  - Une culture du Yoga
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Yoga et muscle                                   - Le corps dans la tradition                                         - Yoga et corps                                      - Redresser le dos                 - Yoga et liberté                
          
       - Se détendre                                        - Détendre le visage                            
                                              

Question d'objectifs
S'étirer fait partie des objectifs concrets de la pratique du Yoga dont vous pourrez retrouver la liste dans le numéro 112-113 de la revue publiée en 2011, précisément en page 23.
Si certains de ces thèmes ont déjà été traités, on doit reconnaître que le Yoga est souvent défini par le public plus ou moins connaisseur, comme un moyen de s'étirer.

Mais finalement, à quoi ça sert ?
Y a-t-il une réelle nécessité de s'étirer ?
Il suffit d'observer le monde animal pour se rendre compte que d'une part cela semble très utile, voire indispensable, et que d'autre part cela paraît absolument irrésistible.
Il semble que le chat et le chien, pour prendre des exemples presque immédiatement visibles pour peu qu'on ait ce type d'animal de compagnie chez soi, trouvent un délice complet dans cet assemblage d'attitudes physiques dans lesquelles on peut observer tout leur corps dans un état de tension suivie d'une détente immédiate.
Ceci dit, j'ignore si d'autres animaux profitent de ce réflexe salvateur : poissons, cétacés, reptiles, vivent-ils les délices de ces tensions musculaires ?
Est-ce que le cœlacanthe que nous avons croisé lors du stage de Yoga de Janvier dernier, étire ses nageoires si particulières ou sa colonne vertébrale ?
Laissons là cette question et occupons-nous de nous, les humains.

Formes d'étirement
Il importe de bien distinguer qu'il existe plusieurs formes d'étirement. Les exemples donnés par nos quadrupèdes de compagnie montrent ce que l'animal peut vivre de façon non volontaire de manière instinctive.
S'il est difficile de connaître les perceptions internes d'un mammifère, on peut aisément imaginer que, comme c'est le cas pour nous, la proprioception, c'est-à-dire tout le système cérébral relié aux perceptions internes dont on n'est pas conscient en permanence et dont certaines parties nous sont totalement inconscientes, capte aussi bien l'inconfort que l'état musculaire ou articulaire nécessitant une action automatique et précise afin de rétablir un équilibre (Cf. page 4), une disposition normale.
Pour tenter de comprendre exactement ce qu'est l'étirement naturel, je vous propose de passer par une phase d'observation de ce que la nature met en place.

L'animal s'étire
Alors qu'il vient de quitter son confort, le chat se met à repousser le sol de ses quatre pattes tout en reculant son postérieur le plus possible.
Il sort ses griffes dont la caractéristique est d'être rétractiles, contrairement à celles du chien.
Puis l'animal reprend pied et étend alors ses pattes arrière par une tension excessive au niveau de laquelle on peut observer un léger tremblement ou tressaillement dû à l'effort musculaire.
Enfin, bien détendu, il reprend une démarche naturellement tranquille.

Et l'humain, dans tout ça ?
Ce descriptif étant fait, on peut se rendre compte qu'il présente des points communs avec nous. Le caractère irrésistible de l'envie/besoin de s'étirer en est un. L'intensité des tensions musculaires que l'on met en place, en est un autre. La détente et le bien-être ressentis ensuite sont aussi ce que l'on vit avec autant de force que nos mammifères cousins.
Si j'ai écrit "envie/besoin", c'est pour apporter une précision qui n'est pas liée qu'à une simple confusion que nombre de gens font. Si le besoin se caractérise par un caractère vital et irrépressible, l'envie reste quelque chose de mental décidé par nous-mêmes, nos désirs, nos tendances, même si ces deux mots sont parfois pris l'un pour l'autre dans la vie courante.
La différence que l'on peut trouver avec les quadrupèdes évoqués, est que l'on peut décider de s'étirer, où l'on retrouve l'envie, et aussi que l'on peut garder la position qui suit le mouvement d'étirement en fonction de son ressenti. Il est probable que l'animal puisse le faire aussi au-delà de l'expression instinctive de ce réflexe : il s'agit d'une question difficile à définir compte tenu qu'il manque à l'animal un mode d'expression susceptible d'être entendu dans un sens plus précis que ce que l'on peut décrypter chez lui.

Etirement conscient et volontaire
Nous pouvons, nous, les êtres humains, décider de nous étirer sans attendre une réaction naturelle dictée par notre état interne neuromusculaire et articulaire.
D'ailleurs il est possible, par expérience simple, de se rendre compte que commencer à s'étirer déclenche l'étirement naturel.
Je vous propose de vous soumettre à un test dès maintenant.
Après avoir lu ce paragraphe, vous allez poser la revue.
Puis, vous étendrez les bras vers le ciel et inspirerez profondément en poussant vos mains ouvertes ou fermées vers le haut. Alors, observez ce qui s'enclenche et le vécu.
Allez-y dès maintenant, et revenez ensuite à la revue.
… Le temps passe…
Bien. Vous avez vécu l'expérience proposée ci-dessus.
Avant de continuer, il est important que vous ayez fait ce travail. Avant de poursuivre votre lecture, vérifiez si le vécu de l'expérience proposée ci-dessus est bien complet. Dans le cas contraire recommencez cet exercice d'étirement volontaire de manière à ce que votre ressenti soit absolument complet et précis.
Ce travail ayant été fait, qu'en concluez-vous ?
Avez-vous perçu cet étirement du corps se mettre en place presque malgré vous, dès que vous l'avez initié ? Avez-vous senti cette "force de vie" comme la nommait le philosophe Alain dans son texte sur "L'art de bâiller" ?

… Et … la politesse  ? …
L'inconvénient de notre monde est que s'étirer en public, cela ne se fait pas, tout comme bâiller, soupirer…
En fait, c'est tout ce que le Yoga provoque par son action et qu'il est souhaitable de préserver et de pratiquer de manière régulière.
Les bonnes manières, la politesse, les règles de bienséance enseignent que "C'est pas bien" tout comme de l'écrire comme je viens de l'écrire. Toutes nos expressions corporelles naturelles ne doivent pas se faire en public, si l'on en croit les règles du fonctionnement en société.
C'est très souvent, ce que l'on nous a inculqué lorsque nous étions enfants.
C'est comme ça, ça ne se fait pas, ça ne se discute pas. Un point c'est tout. Point final.
Pourtant, qu'est-ce que c'est bon de soupirer, bâiller, s'étirer, que ce soit en public ou non.
Je vous invite donc, non pas parce que je le fais moi-même, mais simplement pour votre mieux-être, à profiter pleinement de ces actions simples que mène notre propre corps lorsqu'il a besoin de se libérer des tensions les plus diverses.
Que les choses soient claires entre nous : je ne vous invite pas à devenir "impolis" ou "mal élevés" mais seulement à redonner à votre corps et votre être tout entier la possibilité de s'exprimer librement et à ne pas brimer ni étouffer ce qui est salvateur et bénéfique pour la santé.

Yoga et étirements
Le pouvoir du Yoga est entre autres, dans ses capacités à permettre de retrouver une certaine souplesse, conséquence des étirements proposés.
Mais une question demeure : qu'est-ce qu'on étire … quand on s'étire ?
Il est important de bien voir ce que l'on fait afin d'en comprendre les bienfaits aussi bien que les limites.
Les éléments corporels bénéficiaires de l'action d'étirement sont nos muscles, nos tendons, nos ligaments et les éléments fibreux situés autour des articulations.
Les muscles ont comme qualités principales la contractilité et l'élasticité : en clair, ils peuvent se contracter ou bien être étirés. La partie à étirer dans le muscle n'est pas la fibre elle-même qui est élastique mais le contenant des fibres qui est structuré en faisceaux composés de tissu moins souple que la myofibre elle-même.
Lorsque le muscle est à son maximum d'allongement, l'action se fait au niveau des tendons qui ont une élasticité très limitée.
L'exemple le plus courant permettant d'illustrer cela est l'étirement de l'arrière des cuisses. Les muscles de la loge postérieure (schéma ci-contre) dont l'étude vous a été présentée dans Drish 137-138 sont plus difficiles à étirer et lorsqu'on le fait, il arrive que l'on perçoive des sensations dans la partie arrière du genou. C'est la marque de l'étirement de la partie tendineuse du  muscle.

Les ligaments
La composition des ligaments est identique à celles des tendons : pauvres en fibres élastiques, ils ont une capacité d'étirement limitée.
C'est la fonction même du système ligamentaire qui justifie cette limitation : agir pour que les articulations fonctionnent dans des limitations précises permettant de les préserver.
Un allongement ligamentaire qui dépasserait la limite physiologique aboutirait à un état pathologique dont la seule issue serait une intervention chirurgicale et/ou une longue immobilisation.
Quant aux articulations elles-mêmes, elles sont contenues par un système solide peu souple dont la constitution est aussi fibreuse que les ligaments et tendons, avec une capacité d'élasticité limitée dans le but, là aussi, de conserver à l'articulation toute son intégralité et lui garantir sa sécurité.
Le travail d'étirement va agir sur toutes les composantes avec plus ou moins d'effet selon leur constitution.

Effets et précautions
Les éléments servants à contenir les muscles, le système ligamentaire et tendineux, sont constitués d'éléments fibreux et résistants constitués en faisceaux (voir schéma de Jean Le Boulch).
Toute immobilité prolongée ou tout manque de mouvement amènent une perte de cette élasticité qui est déjà limitée comme nous venons de le voir.
Il importe d'étirer, toujours avec mesure, selon une logique anatomique et physiologique vérifiée, tout cet ensemble pour entretenir un minimum de souplesse.
Le Yoga permet cette action et avec un peu d'habitude, on peut retrouver au travers des techniques régulièrement répétées, le plaisir plein de l'étirement des parties du corps : avant et arrière du corps, côtés, membres, nuque …
Il faudra chaque fois, chaque nouvelle fois, tenir compte de ce que nous sommes différents d'un jour sur l'autre, d'une semaine sur l'autre…
Aussi il est possible que l'on ressente des perceptions différentes, ce qui signifie que l'on devra redécouvrir la pratique et son propre corps afin de pouvoir rétablir les sensations habituelles, toujours dans l'esprit d'un respect total du corps et du mental.
En plus de cela, il est une autre précaution à suivre qui est en lien avec une réalité physiologique : le réflexe myotatique. Il sert à protéger le muscle lorsqu'il risque d'être lésé comme par exemple lors d'un étirement trop fort. Des récepteurs intramusculaires permettent la sauvegarde de la structure musculaire en transmettant à la moelle épinière, un message qui va trouver à ce niveau médullaire, une réponse motrice immédiate dont la conséquence est de placer le muscle en état de contraction protectrice.

Etirement et souplesse
Ce réflexe myotatique est à ne pas déclencher dans le travail du Yoga : d'où la nécessité de travailler avec douceur et mesure, écoute de soi, temps et … sagesse.
Ce qui revient à dire que si le Yoga apporte la sagesse, il vaut mieux en avoir un peu avant de commencer …
En clair lorsqu'on décide de s'assouplir, il importe de commencer à étirer les muscles et de ne pas aller plus loin dès que l'on sent que l'intensité est là avec confort en même temps.
La détente musculaire permet aux éléments structurels de se placer en état de relâchement, ce qui empêche le réflexe myotatique de se mettre en action. Comme le montre ce cliché pris lors d'un stage d'été à Collbato, on peut aller un peu plus loin : c'est ainsi que l'on parvient à la limite des possibilités musculaires et articulaires sans avoir provoqué de contraction des zones étirées, ce qui permet un assouplissement réel qui se gagne petit à petit.

Souplesse ou mobilité ?
Vous avez déjà lu dans la revue, cette nuance importante existant entre souplesse et mobilité.
La première consiste à développer un maximum d'amplitude articulaire et musculaire alors que la mobilité a simplement pour objectif d'assurer à l'articulation de pouvoir bouger dans tous les plans prévus par sa propre nature anatomique et physiologique dans les limites prévues par cette même nature au niveau des ligaments et des capsules articulaires en particulier.
C'est ce qui se passe dans la variante du mouvement du Chat présentée sur le cliché ci-contre.
Ceci signifie qu'assouplir les ligaments n'est pas l'objectif principal : il faut leur conserver leur élasticité, laquelle comme nous l'avons vu, est limitée.
On veillera aussi à conserver au manchon fibreux qui enveloppe l'articulation, toute l'agilité qui est normalement la sienne afin que justement, la souplesse d'ensemble soit conservée.
Toute la partie physique de la pratique du yoga, concerne ce travail de mobilisation et d'assouplissement. Nous verrons cet été l'énorme conséquence de cette démarche sur la colonne vertébrale et sur la fonction respiratoire pour un meilleur maintien et une meilleure oxygénation.
Un spécialiste des pratiques psychocorporelles disait avec raison que le mouvement respiratoire est avant tout un acte articulaire.
Il s'agit de conserver au corps la santé et la capacité à rester dans l'immobilité longtemps : c'est la condition assurée pour le travail respiratoire du Pranayama (voir page 27) et l'accession aux états méditatifs.
Ceci dit, il est d'autres moyens de travailler mobilité et assouplissement. Ainsi, les pratiques mêlant Yoga et Arts martiaux que nous effectuons le Mardi soir sont-elles très utiles et efficaces parce que complètes.

Une seconde nature
Avec l'expérience, on parvient à retrouver les mêmes sensations agréables et utiles et à les rechercher. Ainsi la répétition des techniques d'une séance à l'autre permet cette appropriation des sensations dues aux postures et mouvements pratiquées par la familiarisation avec la dimension pédagogique et les sensations nouvelles que l'exercice procure.
L'étirement devient alors une seconde nature et s'avère nécessaire plusieurs fois par jour, même si cela se produit à des moments où il serait "poli" de ne pas le faire.
Accordons-nous, quelquefois, le droit de ne pas respecter les usages et de suivre en toute simplicité ce dont le corps a besoin de façon tout à fait naturelle et spontanée.
C'est la politesse due à notre être tout entier.
Bons étirements.

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