INSTITUT LEININGER    
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Yogathérapie   -   Thérapie holistique   -   YOGA
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     Sommes-nous des yogis-guerriers ? (10)
                      

Cet article est le 10ème de la série portant ce titre. Il est paru dans le numéro 121 de la revue de Yoga.
Il s'agit d'une réflexion importante, comme le lecteur pourra s'en rendre compte, tant il déblaie certains préjugés solidement ancrés sans raisons stables.

Voir aussi :
       -
Yoga et arts martiaux : mon expérience
                  - Expression Martiale Anti-STRESS                                             - Séance d'essai                 -- Depuis 1975 
       - Yoga, transplantation, arts martiaux et sports de contact              - L'Aïkido par rapport aux origines des Arts Martiaux, en tant que voie ...
                              

Il est bien entendu que le mot "guerrier" n'est pas utilisé au sens où on l'entend habituellement, mais qu’il sert à désigner une fonction faisant partie de l'humain, soit pour maintenir la vie, ce qui heureusement est peu fréquent dans nos contrées, soit pour s'opposer ou résister, ce qui est, par contre, plus courant. En effet, notre monde actuel est riche en occasions de prendre position de façon quasi quotidienne.

Un combat difficile
Mais un autre combat, qui n'est pas une guerre, est à mener, il s'agit de celui, nécessaire, contre certaines tendances naturelles simplement humaines, qui sont propres à l'ensemble de notre espèce.
Les traditions philosophiques et religieuses désignent ce nécessaire travail dans le sens de ce que l'on nomme traditionnellement la ‘vertu’ dont on notera au passage, l'étymologie ‘virile’ : virtus, en latin, est dérivé de ‘vir’ d'où viennent les mots viril et virilité, qui signifie l'individu de sexe masculin.
Virtus désigne la force virile, à partir de là, la valeur, ou encore la discipline. Il est intéressant de remarquer qu'en langue sanskrite, la vieille langue de l'Inde, le mot ‘vira’ signifie héros, homme au sens de mâle, chef.
Comme indiqué ci-dessus, les voies spirituelles et initiatiques, prévoient la mise en place d'une pratique faite de discipline et d'ascèse dont le but est la maîtrise de l'être. Il ne s'agit pas ici, de s'imposer ou d'imposer aux autres, des exercices contraires aux valeurs fondamentales d'un humanisme qui ne vise que le développement de l'être dans toutes ses dimensions comme peut le proposer le Yoga considéré dans son intégralité traditionnelle.
La culture qui est la nôtre, celle judéo-chrétienne, prône l'observance de certains principes et valeurs fondamentales dans le but d'une évolution vers une dimension spirituelle plus élevée. Le yoga en préconise un certain nombre qui sont identiques : ne pas nuire, véracité, simplicité, pureté, sympathie …
La religion musulmane a instauré le Jihad qui compte trois formes qu’il importe de bien définir selon la tradition afin de bien comprendre ce que chacune d’elles recouvre comme sens et comme attitude. Chacune d'elles a une fonction bien précise : la principale, nommée Djihad majeur, ou grand Jihad, est la lutte intérieure menée, l'effort que doit faire tout musulman pour lutter contre lui-même, son égoïsme, ses instincts, son orgueil, son envie de dominer les autres. La guerre sainte ne constitue que le Djihad mineur interne : il s'agit d’une guerre défensive, lorsque l'Islam est menacé de disparition. Le Djihad mineur externe a pour but de lutter contre les forces d'occupation ou de commettre des actes de terrorisme, dont les médias parlent souvent.

Le plus grand ennemi
Chez les Amérindiens, le Chef Dan George rendait hommage au Grand Esprit … dont le souffle donne vie au monde entier … et lui demandait force et sagesse. Après avoir formulé plusieurs vœux de marcher dans la beauté, de contempler les couchers de soleil rouges et empourprés, d'être capable toujours, de respecter les choses que le Grand Esprit a faites, d'entendre sa voix, de comprendre ce qu'Il a enseigné à son peuple, entre autres les leçons … cachées dans chaque feuille et chaque pierre, le chef Dan George formulait une requête singulière :
     ˝Je cherche la force, Créateur Unique, non pas pour être supérieur à mes frères, mais pour combattre mon plus grand ennemi, moi-même …
On voit bien, dans cette phrase, la nécessité de rester un guerrier.
Je reviens un instant sur cette idée de combattre, ce qui m'amène à vous proposer un petit tour dans le domaine du sens des mots.
Selon Bernard Wirz, spécialiste des lettres, ˝combattre˝ vient de ˝combattere˝ (vers 1080 après Jésus-Christ) : et du bas latin ˝combattuere˝ signifiant ˝se battre avec˝.
Le terme ‘battre’ avait un sens noble. On battait le blé, on battait monnaie aussi, ce qui donnait au métal précieux, une image particulière d'un personnage ou d'un symbole. Le préfixe cum qui veut dire avec, à toujours un sens positif d'harmonisation et d'équilibre, d'union comme dans les mots compagnon, compréhension, consensus … Il importe, à partir de cette étymologie, de comprendre (sic) qu’il ne s'agit pas d'un conflit, mais d'un travail sur soi.

Histoire d’un mot
Il est intéressant de noter à quel point les habitudes, les médias, utilisation des mots, les déformations sémantiques, l'usage vulgarisé de certaines expressions, des formes de sens réel de certains termes au point qu'il est parfois difficile de revenir au sens premier. Ainsi, tout le monde connaît le kung-fu, qui fit son apparition sur le grand écran, à partir des années 70, et qui émerveilla, voire fascina un public à la fois surpris et envieux de telles prouesses dans l'art du combat.
C’est vrai, le kung-fu, dans une de ses dimensions, est un art martial. Mais ce n'est pas tout : son premier sens, c'est l'accomplissement de l'homme dans une discipline, quelle qu'elle soit. Le kung-fu, c’est se réaliser par son travail.
Cette pratique vise à l'excellence sur deux plans : dans le fond que la forme, il doit être présente dans l'accomplissement de sa propre existence. C'est un idéal d'engagement qui est fondé sur un travail difficile car il demande des efforts importants visant à l'accomplissement ci-dessus nommé, la réalisation de l'être passant par la maîtrise d'un art ou d'une discipline.
Le mot gongfu qui est à l'origine de kung-fu, est la
maîtrise, le niveau : ainsi, un maître possédant la maîtrise de sa matière, que ce soit en mathématiques, en philosophie, en calligraphie, sera désigné comme ayant un bon kung-fu en mathématiques, philosophie, etc.
Le nom réel de cette voie en tant qu’art martial, est le
kung-fu wushu, la dernière partie de l'expression, wushu, désignant la maîtrise de l'art martial.

Apparences et réalité
On le voit, la pratique martiale est bien plus que l’apparence que nous croyons parfois : elle est à considérer comme une vraie voie de réalisation de soi en même temps que le moyen de cultiver, physiquement, mentalement et spirituellement, les moyens de résister, de s’opposer. J’espère que le mot spirituellement ne vous semble pas mal placé ici : nous avons vu, plus haut, le difficile combat à mener contre ses passions et sa nature ‘animale’. Dans notre culture judéo chrétienne, nous ne devons pas oublier que le héros des Evangiles n’était pas prêt à tout accepter et qu’il a exprimé ses désapprobations. Dans le verset 34 du chapitre X de l’Evangile de Mathieu, on trouve cette étonnante dans la bouche de Jésus :
     ˝… Ne pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je suis venu apporter, non la paix, mais le glaive…˝
Cette parole est d'autant surprenante, on trouve dans le même Évangile, chapitre XXVI, verser 52, la phrase suivante :
   ˝… Remets ton épée à sa place, car tous ceux qui prendront l'épée périront par l'épée…˝
Nous pourrions voir là, une opposition de sens, voire une confusion. L'épée évoquée en premier, a une valeur symbolique, et la seconde une valeur réelle. Dans le premier sens, il s'agit de l'épée nécessaire à la défense de ses propres convictions, dans le domaine de l'élévation spirituelle. Cette phrase est à resituer dans son contexte d'il y a 2000 ans, lors de la naissance et de l'expansion du christianisme.

Tolérance
Sans avoir à revivre ce qu'ont vécu les premiers porteurs de messages d'une spiritualité quelle qu'elle soit, notre monde occidental étant plutôt porté vers la tolérance des idées, la laïcité permettant, logiquement, que chacun puisse vivre selon ses idées et ses choix spirituels, dans la mesure où ils ne gênent pas les autres, tout ceci permet de reconsidérer ce combat à mener pour défendre ses propres avis. C'est pourquoi l'idée non-violente exprimée dans la seconde phrase est plus adaptée. Il n'en reste pas moins que la tolérance évoquée ne garantit pas que est toujours l'écoute à laquelle on pourrait s'attendre dans un monde dit « civilisé ».
La grande chance de l'Inde se trouve dans son esprit d'ouverture totale qui admet toutes les idées dès l'instant où elles n'imposent rien à celles et ceux qui les ont pas adoptées. Les sages de l'Inde que nous étudions régulièrement lors des séminaires de yoga, n'ont jamais eu de détracteurs importants… À part peut-être, Shivananda qui, désirant transmettre à l'Occident les connaissances indiennes, dut subir quelques pressions de la part de ceux souhaitant conserver un certain pouvoir.
Le seul moment où l'Inde dut dégainer son épée concrètement, ce fut lorsqu'elle subit les invasions importantes avec des tentatives de soumission et de conversion forcée par les envahisseurs.
Résister
Sur de longues périodes s'étalant sur plusieurs siècles, les Hindous eurent à subir des pressions phénoménales et à faire face à des menaces de mort s'ils ne se convertissaient pas. Le problème du conflit est double : d'abord celui qui le cherche n'a pas envie d'une situation de paix, et, second point, celui qui le subit n'a que deux choix : résister ou bien se soumettre. Cette dernière solution n'est pas celle qu'on attend de l'être humain considéré dans sa dignité d'êtres humains. L'épée symbolique évoquée plus haut, amène à considérer qu'il peut y avoir de multiples façons de résister et de faire entendre sa raison et ses raisons. On n'a pas toujours à faire à des gens comme Voltaire disant :
     ˝
Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire˝
I
l est donc nécessaire, toujours dans l'esprit de Ahimsa, la non-violence, qui est un moteur du Yoga et de nombre de voies spirituelles et religieuses, de se préparer à affronter si on ne désire pas se voir imposer l’inacceptable.
La locution latine Si vis pacem, para bellum qui signifie : Si tu veux la paix, prépare la guerre ! … correspond à ce que l'on nomme quelquefois la paix armée. L'association de ces deux mots semble surprenante : la jonction de la branche de chêne du rameau d'olivier, figure cette manière de considérer les choses sous un angle plus courant lorsqu'on aborde le monde du Yoga. Parvenir à la paix par le biais la force est parfois une nécessité : un des fondements de la non-violence et qu'il vaut mieux une petite violence qui empêche une grande, plutôt que laisser les choses évoluer dans le mauvais sens.
Cette drôle d'association des mots paix armée, peut surprendre aussi bien les adeptes de la paix que ceux qui considèrent qu'elle est impossible. L'acquisition des principes de l'art du combat, doit s'accompagner d'une élévation spirituelle particulièrement importante. Cette idée plairait à Rabelais qui exprimait que :
    
˝Science sans conscience n'est que ruine de l'âme˝
Chacun   de nous pourrait citer des exemples et anecdotes de sa vie permettant d'illustrer les moments au cours desquels il ou elle a dû s'armer mentalement au moins, verbalement sûrement, peut-être même dans l'action, enfin de faire valoir ou reconquérir ses droits et sa dignité. Un vieux dicton occitan enseigne que : ‘Al que se fa oelha, lo lop lo manja’ … ce qui signifie : à qui se fait brebis, le loup la mange. Un article paru récemment dans un quotidien rappelait que dans l’histoire de France, l’agneau de Toulouse (le blason de la ville), l'agneau nimbé, portant la Croix de Toulouse en bannière, a eu affaire au loup qu’était Simon de Montfort.
L'agneau qui serait le signe premier de la ville et remonterait à l'époque romaine, symbolise la force. Selon Nicolas Berey (1663), la symbolique de l'animal s'expliquerait par le culte rendu à Jupiter, révéré sous la forme du bélier.
Nous verrons dans le prochain numéro à quel point le yoga, la méditation, des arts martiaux possèdent de nombreux points communs.

     (… À suivre …)

Voir aussi :
                - Yoga et Arts martiaux

                - Yoga et arts martiaux : mon expérience
               
- Sommes-nous des yogis-guerriers ?
            
- Yoga, transplantation, arts martiaux et sports de contact
                - L'Aïkido par rapport aux origines des Arts Martiaux, en tant que voie ...

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