INSTITUT LEININGER    
 Thérapie holistique - Approfondissement du Yoga traditionnel - YOGAthérapie
Centre de Recherche Indépendant de Yoga Adapté (KRIYA)
Ecole de Yoga du K.R.I.Y.A.
Pour votre bien-être
Khaj div

- Un bon mental, une bonne philosophie de vie, un corps souple et fort pour mieux vivre sa vie -

                 
     La transmission du Yoga
                    

 


J'ai connu, au cours de mon parcours professionnel, de nombreuses écoles de Yoga, de nombreux enseignants, de nombreux styles, de nombreuses personnalités ayant chacune, son mode de transmission plus ou moins pensé, plus ou moins adapté, plus ou moins bienveillant, il faut l'avouer.
Certaines de ces écoles ont fermé pour diverses raisons et certains professeurs de Yoga ne sont plus de ce monde car j'ai commencé à me former très tôt.
J'ai débuté la pratique à tout juste 20 ans, et ai suivi des formations dès que j'ai commencé à enseigner, soit quelques mois après avoir débuté ce qui allait devenir mon métier au sein de mon entreprise créée en 1979.
J'estimais devoir être très vite au plus haut niveau pour transmettre cette belle voie que nous a donnée l'inde où elle est née de manière mystérieuse et inconnue.
C'était il y a plusieurs milliers d'années, à la même époque que se développaient les civilisations égyptiennes et mésopotamiennes.
C'est l'enseignement concluant la découverte de la figurine ci-contre trouvée dans des ruines indiennes remontant à au moins 4500 à 5000 ans en arrière.

Une vision personnelle.
Je rencontre encore et de plus en plus, des pratiquants de Yoga adeptes de tel ou tel styles nouveaux que la société moderne s'ingénie à inventer pour attirer de nouveaux clients. Cela se fait avec de nouvelles appellations, de nouveaux contenus, de nouvelles pratiques placées sous la rampe des feux de l'insistance et de la persuasion qui finalement n'engagent que celles et ceux qui s'y plient et obéissent sans remettre en question ce qui est ainsi largement distribué par rumeurs et médias.
Tout ceci ne fait qu'égarer les amateurs de Yoga, de la tradition pourtant si simple, si évidente et si pleine à mettre en pratique dans le courant de la journée et pas seulement sur le tapis de Yoga.
Il est vrai que comme je le précisais dans Drish 152-153 de l'été 2019, numéro spécial sur le thème "La réalisation de soi", il n'est pas facile de se libérer de l'attraction qu'exerce sur nous, le charme de l'Orient. On se sent facilement attiré par les discours séducteurs portant sur cet univers fascinant.
Il y a aussi les visions d'ordre surtout fantasmatique et chimériques que l'on nous projette ou que l'on se projette soi-même, loin d'un réalisme nécessaire dès que l'on s'approche des voies et systèmes qui nous sont si étrangers et pourtant si familiers.
Il n'y a rien d'étonnant à cela.
André Malraux ne disait-il pas :

            "… Loin de nous dans le rêve et dans le temps, l’Inde appartient à l’Ancien Orient de notre âme".

Dangereuse identification.
J'évoquais ci-dessus, la vision fantasmatique que l'on peut avoir de l'Inde si attirante, et je dis ceci en toute connaissance du sujet, ayant été fortement intéressé par le subcontinent. Et je dois dire que chaque année, je me dis que j'espère que prochainement…
Cette vision fantasmatique vient du fait que l'Occidental a tendance à s'identifier très vite à l'image merveilleuse (en apparence) qu'il se construit, de ces sages tranquilles, calmement assis en méditation dans une super-posture.
De plus, ils semblent impassibles, complètement libérés des tracas de ce monde et jouir d'une sérénité à toute épreuve.
D'où l'idée de les imiter du mieux possible…
… Et ainsi, de faire place à une passivité en ce monde et un déni presque pathologique permettant de se couper plus facilement de la réalité quotidienne qu'il est plus facile de fuit que d'affronter.
Ce choix mène même, dans certains cas, à cultiver une sorte d'insensibilité vis-à-vis de celles et ceux qui nous entourent et de ce qui constitue notre environnement.
On comprend bien que la solution n'est pas là d'abord parce qu'on ne peut pas ne pas agir dit le texte sacré de la Bhagavad Gita.
Et puis, il y a aussi une autre logique qui est la suivante.
Plus on se renforce et plus on a le devoir de servir celles et ceux qui n'ont pas les mêmes moyens et que l'on pourrait soulager, aider, épauler.
Car le Yoga, c'est aussi cela, d'autant qu'il reconnaît la loi du Karma, sans que nous, Occidentaux, soyons obligés d'adhérer à cette idée. Aussi, si nous sommes en ce monde et pas dans une grotte indienne ni un ashram dépourvu de stress, c'est bien qu'il y a une raison.

Le sens de la vie.
Le sens de notre existence est à trouver là où nous nous trouvons tout en cherchant tous les moyens nécessaires pour développer notre potentiel de vie.
L'objectif est de mieux accomplir notre existence et tenter de nous réaliser comme le psychologue humaniste américain Abraham Harold Maslow le souhaitait et nous encourageait, faisant de la réalisation de soi, une nécessité, un devoir.
Le Yoga peut largement y aider.
Il y a tout de même une condition : celle de conserver un véritable esprit d'ouverture tout en ne se laissant pas séduire par ce qui est simplement visible, facile, apparent et donc superficiel.
L'attitude de ne pas chercher à voir plus loin et ne permettant pas d'aller plus profondément dans la compréhension du Yoga, a une origine à laquelle nous devons veiller.
Elle vient des opinions a priori que l'on peut avoir par une vision à l'à-peu-près.
Ces opinions sont renforcées par des discours, des publications, des messages dont la teneur insiste sur la facilité de la chose, son immédiate accessibilité et l'acquisition de résultats de haut niveau.
Et ce n'est pas faux car il suffit de les suivre pour se rendre compte qu'en effet, il y a bien un résultat.
Comme arguments, des "recettes" sont proposées qui, souvent, développent surtout la dimension super
ficielle de la voie classique transmise alors, de façon incomplète.

Adaptation difficile.
Ces recettes sont tirées de certains domaines du Yoga qui n'ont rien à voir avec notre culture, notre mode de vie, notre énergie, notre capacité à nous recentrer, notre préparation corporelle et énergétique, notre disposition mentale, notre mode de vie…
Le problème est que l'on s'arrête là, au tout début du chemin, alors que le parcourir plus avant donne des moyens bien plus forts de se réaliser pleinement tout en étant pleinement en ce monde sans perdre pied.
Car en effet, on se perd plus facilement en se laissant endormir au début du chemin plutôt qu'en faisant en sorte de le chercher et de le suivre dans un état de conscience et de vigilance élevé, ce que demande la tradition de l'Inde dans ses différents aspects. Mais encore faut-il savoir qu'il y a un chemin à suivre et aussi qu'il y a des pratiques à délaisser car trop orientées dans le sens de l'hindouisme pour lequel le Yoga peut être facilement mêlé à la spiritualité d'Orient intégrant des adresses à diverses divinités. Bien entendu, cette dimension est à laisser de côté.

Vision d'Occident.
En Occident on ne pense pas un instant qu'il puisse se trouver dans le Yoga, des contenus à éviter, car tout ce qui vient de l'Orient est bon, dans l'esprit de bien des gens.
J'ai déjà largement développé cet aspect de l'approche de l'Orient dans mon livre et aussi dans le numéro spécial 157-158 paru en 2019 qui évoquait déjà cette question fondamentale.
La prudence est indispensable là aussi, et l'enseignement de Montaigne invitant l'élève à adopter ce qui est bon pour lui est à rappeler ici.
On le voit, on doit veiller à ne pas tenter de se lancer dans la pâle imitation de l'image d'un Bouddha libéré de ce monde.
L'
engagement insuffisant dans l'ascèse du Yoga, peut laisser se développer des failles dans le comportement à peine recouvertes du vernis du superficiel déjà évoqué plus haut. De la même manière, coller trop à la tradition indienne risque de désorienter le pratiquant trop zélé qui s'identifie aux sages de l'Inde, aux saddhu-s et autres mendiants ascètes.
Au-delà de l'imitation ou de l'engagement insuffisant, existe aussi le risque de se laisser séduire par les premiers résultats de la pratique. Une mise en garde est faite par les textes classiques anciens du Yoga. L'adepte est prévenu de cet aspect parlant du risque des pouvoirs obtenus auxquels on ne doit surtout pas s'arrêter.
Il est toujours question de chercher et de suivre le chemin.


Une nécessaire vigilance
Le philosophe et épistémologue Gaston Bachelard mettait en garde contre les préjugés, contre la première opinion si difficile à défaire pour établir celle correcte, ensuite.
Alors, forts de ce point de vue, il nous faut veiller et apprendre à cultiver une vigilance correcte et appliquée.
Nous devons aussi nous défier du premier message et chercher par nous-mêmes. Pour cela, on doit remettre en question toutes les affirmations reçues, tout ce que l'on entend ou lit.
Il faut douter au sens philosophique du terme et bien se souvenir de Pierre Bayle, Montaigne et bien d'autres philosophes, penseurs et pédagogues.
En clair, il faut chercher, étudier, étudier encore.
C'est toute une démarche didactique et pédagogique.
La transmission du Yoga passe donc, par cette démarche puissante de développer prévention et connaissances, expérimentation personnelle de ce que l'on doit enseigner, formations au pluriel afin de faire correspondre l'ouverture d'esprit avec une connaissance de plus en plus complète de la matière même à faire aimer, comprendre, connaître, donc, à transmettre.

Un cheminement particulier
C'est aussi la nécessité de connaître ce cheminement sur lequel va s'aventurer le pratiquant dans une voie qui n'est pas seulement une accumulation de théories ni une simple série de techniques corporelles. Dans la transmission du Yoga, on donne ce que l'on est comme dans nombre de transmissions pédagogiques puisqu'on devient l'outil entre le domaine de connaissances et d'expériences et l'élève en situation de motivation à apprendre.
C'était le point de vue d'André Van Lysebeth que j'ai suivi de 1978 jusqu'à ses derniers stages avant sa mort en 2004 :

 "Le professeur de yoga restera l’instrument privilégié de la transmission de cette technique millénaire. D’où l’importance que revêt la qualité d’être du professeur de Yoga, de sa formation personnelle ; ainsi que l’immense responsabilité qui incombe à ceux qui ont la charge de former ces enseignants qui apportent ce qu’ils ont appris et plus encore, transmettre ce qu’ils sont".

Ainsi, enseigner le Yoga va bien plus loin que faire faire des postures ou des mouvements. Cela implique pour l'enseignant de tenter de suivre du mieux possible cette voie avant d'en transmettre l'essence à celles et ceux intéressés.
Et même s'il n'y a pas encore dans l'esprit du pratiquant, le petite étincelle qui va lui donner envie d'intégrer le Yoga tout entier dans sa propre vie, avec ses principes, la notion de contrôle de soi et de service aux autres, il doit faire en sorte d'entrouvrir cette fenêtre vers un paysage merveilleux et frais qui lui permettra d'approfondir sa propre philosophie et pourquoi pas, de donner un sens à sa propre vie et sa propre existence si ce n'est pas encore fait.
Dans le même sens de ce que disait André Van Lysebeth, le vieux sage chinois Confucius a émis une belle parole allant dans le même sens de la correspondance entre ce que l'on est et ce que l'on enseigne. Voici ce qu'il prônait :

            "L’homme honorable commence par appliquer ce qu’il veut enseigner ; ensuite il enseigne"

Réalisation de soi
Le Yoga, vécu dans son intégralité en abandonnant bien sûr, comme indiqué plus haut, toute la partie mystique qu'il peut parfois véhiculer, peut être d'une aide excellente pour parvenir à la réalisation de soi que souhaitait Maslow pour chaque être humain. Cette réalisation de soi doit rejeter toute soumission et toute forme d'approximation et de formules à peu près. La précision doit être présente dans chaque enseignement afin que l'élève puisse s'en emparer comme Montaigne, encore lui, le souhaitait.
On pourra même évoquer la substantifique moelle, expression du XIIème siècle rendue célèbre par Rabelais au XVIème.
Il faut chercher à la retirer tout comme on peut voir nos animaux familiers le faire :

    "N'avezvous jamaisvu un chien rencontrant qualque os à moelle ? Si oui, vous avez pu noter avec quelle dévotion il le
      guette, avec quel soin il le garde, avec quelle ferveur il le tient, avec quelle prudence il l'entame, avec quelle affection
      il le brise et avec quelle vitesse il le suce... Quel bien espère-t-il ? Rien qu'un peu de moelle. Il est vrai que ce peu est
      plus délicieux que le beaucoup de toutes autres nourritures parce que la moelle est un aliment parfait, comme le dit
      Galien... A l'exemple du chien, il vous faut être sages pour humer, sentir et estimer ces beaux livres de haute graisse...
      puis, par lecture attentive et une méditation fréquente, rompre l'os et sucerla substantifique moelle".

Réalisation de soi
Au vu de cet esprit et de ce qui précède, on évitera de se soumettre et on usera du mieux possible de sa capacité de discernement que la philosophie indienne nomme "Buddhi", mot de la même racine étymologique que "Le Bouddha".
Cette prudence est nécessaire car il faut éviter d'être en position de transmettre comme de recevoir, ce que Jung nommait le "doctrinarisme". Il s'agit de l'excès de soumission lorsque la raison est trop obéissante, ce qui fait qu'elle n'est plus vraiment raisonnable (Cf. Drish 157-158).
C'est ce même doctrinarisme qui fait courir le risque aux personnes manquant d'ancrage et de stabilité, de se laisser séduire par le discours si attirant de l'Inde et de fantasmer sur une pratique du Yoga qui viendrait alors à les enfermer alors que pour nous Occidentaux, contrairement aux yogis indiens qui fuient le monde, cette voie doit nous permettre une ouverture encore plus grande.
Tous les fantasmes ne sont pas à réaliser, surtout lorsqu'ils engagent toute une existence au détriment de sa propre vie et de celles et ceux qui nous accompagnent.

Expérience et réflexion.
Comme j'invite à le faire, les professeurs de Yoga que je forme depuis 1984 (!!),
savent qu'ils doivent faire passer systématiquement, tout ce qui leur est transmis au crible de la pensée, de la raison, de la logique, des connaissances, des expériences personnelles. La psychologue humaniste américain Carl Rogers, insistait particulièrement sur l'importance et la valeur fondamentale de l'expérience personnelle.
C'est toujours cet esprit que je transmets aux élèves professeurs de Yoga formés par mes soins encore maintenant. Il se savent libres de ne pas être d'accord avec ce que je dis, avec ce que j'enseigne. Ils peuvent l'exprimer et il leur est simplement demandé d'avoir des arguments solides.
Le regard croisé sur le savoir, l'expérience, la logique, ce qui se dit, permet d'ajuster, affiner le message et d'en prendre ce qui est utile et bon et de laisser ce qui n'est pas nécessaire. C'est la condition pour bien connaître et avancer sûrement.
On le voit, transmettre le Yoga est d'une grande richesse tant il vise à l'élévation de celles et ceux engagés sur cette voie et aussi de leurs formateurs qui ont le devoir de connaître plus encore sans se contenter de répéter ni de mimer.

article paru dans Drish 172-173

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