INSTITUT LEININGER    
Centre de Recherche Indépendant de Yoga Adapté (KRIYA)
Ecole de Yoga du K.R.I.Y.A.
Pour votre bien-être
Khaj div

- Un bon mental, une bonne philosophie de vie, un corps souple et fort pour mieux vivre sa vie -

                      
     Quête
                            

Ce texte est la conclusion du mémoire de fin de formation de Professeur de Yoga de la FFHY, mon deuxième diplôme en Yoga, le quatrième en techniques psychocorporelles.
Il a été publié et lu en diverses circonstances, sous d'autres titres.
Celui de "Quête" me semble le plus adapté et le plus juste.
Bonne lecture

Il était un désert sec et aride que le soleil chaque jour calcinait un peu plus. Quelques optimistes ou "illuminés" tentèrent en divers endroits de forer un puits. Il leur fallut creuser, creuser et creuser encore jusqu'à ce que leurs doigts en sang réclament une halte. Certains eurent assez de chance ou de ténacité pour atteindre, avant les autres, une veine fraîche et salvatrice. Ainsi, les voyageurs purent, tout à loisir, y étancher leur soif.
Un vieillard sénile dont la faiblesse de corps jurait presque avec la force de son esprit, tentait bien, lui aussi, depuis longtemps, d'accéder à une source en creusant par ses propres moyens. Mais les autres qui y étaient déjà parvenus tandis qu'il creusait encore, le prenaient pour un vieux fou. Ils établirent des comptoirs d'eau, et bientôt, les voyageurs assoiffés durent payer, cher parfois, pour quelques gouttes d'eau. Chacun vantait la sienne, la jugeant meilleure, et lui donna un nom et des qualités qu'il s'empressa de communiquer au plus grand nombre de gens, tout en affirmant que d'Est en Ouest et du Nord au Sud, il n'y avait nul autre lieu où l'on pût trouver meilleur breuvage.
Le ton monta ; des querelles s'ensuivirent. Pendant ce temps, le vieil homme poursuivait son excavation, se contentant de temps à autres, juste pour lui le temps de retrouver son vieux souffle et de rassembler quelques rares énergies, d'observer d'un oeil neutre et tranquille, les rixes qui ne l'atteignaient pas. Chacun s'était établi "Marchand d'eau". L'élément le plus naturel qui soit et dont personne ne peut se passer était devenu le produit de consommation d'une élite argentée. Et l'on venait parfois de très loin pour boire, car le battage, lui aussi, était organisé dans les contrées les plus éloignées.
Loin de ce brouhaha, l'ancêtre trouva enfin sa veine. Ayant écouté religieusement son frémissement musical, il astiqua le vieux quart bosselé et tordu dont il s'était servi pour creuser le sol desséché, le lissa de ses gros doigts noueux et rugueux, le trempa dans l'onde et le porta à ses lèvres gercés et sèches. Il goutta le délicieux nectar, et tout en poussant un soupir ronronnant, jugea que son goût et sa fraîcheur valaient bien tant d'efforts dépensés, puis remonta à la surface où se poursuivaient les gesticulations tapageuses des tenanciers, et trouva que cela contrastait beaucoup avec les quelques instants de rare qualité qu'il venait de vivre et qui avaient laissé en lui une large empreinte.
Il s'assit contre son puits et proposa discrètement et sans cri un peu de son eau à qui voudrait bien lui en prendre. Il la distribuait gracieusement tout en précisant que les autres points d'eau valaient bien le sien, que l'essentiel était pour chacun d'étancher sa soif et qu'il importait peu de se rafraîchir à tel ou tel puits, compte tenu que si les veines nourricières étaient nombreuses, l'eau était une.
Ce discours tranquille gêna les marchands qui ricanèrent ou se tournèrent simplement, pensant que le soleil avait tapé trop fort sur la tête du vieux qui était devenu fou. D'autres, interloqués, comprirent leur ignorance et s'en vinrent voir le vieillard qui leur dit :
     - "L'eau est à tout le monde!".
Puis il ajouta :

     - "Avez-vous goûté votre eau ? ".
     - "Nous en vendions, certes..." répondirent-ils, "... mais nous avons oublié son goût."
     - "Et l'avez-vous entendue chanter ?"
     - "Entendue chanter ? Mais..."

     - "Je sais que cela peut vous surprendre..." dit l'ancêtre, "...alors retournez à vos puits, car je n'ai rien ici à vous donner et encore moins à vous vendre.
       Mon eau n'est pas "mon" eau, et elle est la même que celle que vous distribuez!".
Ils s'en retournèrent, pensifs, à leurs sources, et après s'être établis dans le silence obscur du fond de leur puits, cherchèrent à entendre puis perçurent le murmure de l'onde souterraine. Ils goûtèrent sa limpide clarté‚ l'apprécièrent et comprirent alors les paroles du vieillard, ce vieillard longtemps ignoré de tous et rejeté, qui avait creusé son puits dans l'indifférence la plus générale.
Sa réputation grandit au point que des visiteurs étrangers avaient décidé de venir tout spécialement à sa rencontre. Le vétéran, las et sur le déclin, les renvoya à ses amis. Mais les voyageurs ne voulurent rien entendre : ils venaient de loin et désiraient être servis à son puits. Alors, le vieux soupira et leur demanda de revenir le lendemain avec un quart, en leur montrant le sien tout cabossé.
Ils revinrent donc ainsi armés, prêts à s'abreuver à la source de celui qu'ils considéraient tant. Il leur dit : "Vous voici armés comme je l'étais quand je suis arrivé ici. Il vous est possible de boire à mon puits et je pourrais vous échanger mon eau contre vos richesses si je le voulais. Mais vous y perdriez tout : votre fortune et votre Vie. Ici, l'espace ne manque pas. Choisissez un lieu, celui que vous voudrez. Puis, à l'aide du quart ou de vos mains, creusez. Creusez jusqu'à ce que jaillisse la source. Car vous ne goûterez sa fraîcheur qu'après l'avoir conquise!".
Certains partirent sur le champ dans leur pays d'origine. D'autres restèrent
  et comprirent bientôt, eux aussi, les paroles du vieux.
Depuis, dans ce désert sec et aride, on peut toujours voir les marchands d'eau écarlates et énervés qui hurlent les bienfaits de leur commerce et à côté d'eux, silencieux, presque en dehors du temps et peut-être même de l'espace, le vieux et ses amis : ils ne disent rien, et leur visage n'exprime rien.
Ils rayonnent, simplement."


                                         Lge, 1986

 

Détail des rencontres
Informations par téléphone au 05 61 785 685.

Retour à la page d'accueil