Suryanamaskara
(1)
Il est un rituel que j'ai eu plaisir à accomplir dans les eaux du
Gange, un matin de janvier 1990 : ayant pris de l'eau dans le creux de
mes mains, je l'ai ensuite présentée au soleil, puis laissée s'écouler.
Lorsque le liquide est contenu, il n'y a pas de différence de
constitution en comparaison avec le fleuve d'où il a été tiré, il en est
isolé et sa forme épouse celle des mains le contenant. Quand il retourne
au fleuve, il redevient indifférencié. Il en est ainsi de notre Etre
profond, notre âme, l'Atman, pour employer le terme hindou correct. A la
mort, l'Atman est libéré de son contenant, tout comme l'eau que les
mains lâchent. Ainsi la fin n'est-elle que la continuation et chaque
fois, un nouveau commencement.
La vie, la mort... Le Gange est le théâtre des deux: en même temps qu'il
est purificateur et porteur de vie, c'est sur ses berges que brûlent les
cadavres en "sari" rouge ou blanc.
La mort est là, exposée, visible, inévitable, mais l'essentiel est
d'avoir foi en la Vie avec un grand 'V' tout comme lorsque ce matin-là,
quelques instants plus tard, confiant en Shiva omniprésent à Bénarès,
j'ai plongé dans le fleuve, ce qui est considéré par les Occidentaux,
comme une folie, sinon un acte suicidaire. Pourtant, ce simple bain n'a
pas trempé que ma peau : c'est tout mon être qui en a été imprégné et en
a eu les bénéfices.
C'est un moment que je n'oublierai jamais.
Gill-Eric Leininger - 1992
(1) De <Surya> qui est le dieu védique du soleil, et <namaskara>,
le salut, d'où
vient <namaste> que l'on prononce en joignant les mains pour
souhaiter le bonjour..
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