Se centrer, se concentrer
On dit beaucoup de choses au sujet de la concentration. Et il est vrai qu'il y a
beaucoup à dire. Nombre de pratiquants viennent au Yoga avec le souci
d'améliorer cette fonction, et il le leur permet : le Yoga-Sutra I,2 définit
cette action et son résultat, Yoga
Citta-Vritti Nirodha, que l'on peut traduire par
cessation des mouvements de l'esprit.
Tant à l'Institut que dans mes lieux professionnels antérieurs, j'ai pu voir
évoluer des enfants, pré-adolescents et adolescents. Une des premières choses
qui frappe est qu'ils sont absolument capables de bien se concentrer même s'ils
venaient pour une incapacité à focaliser leur attention ou pour leur
instabilité. Ces constats ont été généralement effectués dans le cadre scolaire
ou familial, en des situations où le jeune ne trouve pas toujours son intérêt
dans la tâche qu'il lui est demandé d'accomplir.
C'est la même logique chez l'adulte qui, voulant entamer la pratique du Yoga,
stoppe après moins de 10 séances, simplement parce que sa motivation est
insuffisante. Car le vrai problème en matière de concentration est là : il
s'agit d'éveiller l'intérêt et la motivation chez ceux qui veulent "apprendre" à
se concentrer. Le verbe est entre guillemets car je l'utilise par commodité, non
pour sa correspondance à la réalité. Nous avons tous la possibilité de nous
concentrer ; la fonction est là, mais c'est son accès qui est rendu difficile.
C'est d'abord la nature de l'esprit d'être vif. S. Kakar évoque le "Singe ivre,
piqué par un scorpion et habité par un démon. Puis il y a les 3 causes liées à
notre monde et à notre époque : le stress omniprésent, la course quotidienne, la
pression de l'excès d'info hors de notre contrôle, ou de notre possibilité
d'action, le rythme de vie, les préoccupations et les divers tiraillements liés
à nos composantes de vie.
Il faut encore nommer 2 causes importantes : le bruit et les craintes suscitées
par ce monde difficile, en particulier celles liées à l'emploi, soit par la
menace du chômage, soit par l'ambiance de l'entreprise où un nouveau facteur est
apparu plus rudement qu'avant : le harcèlement moral.
Quant au bruit, les décibels sont là, insidieuses puisqu'on s'y habitue,
tellement d'aileurs, que le fait de demander un peu de calme ou un peu moins de
bruit est parfois vécu comme une agression par ceux qui font le choix
involontaire de bannir la discrétion.
Ce que l'on sait moins, c'est que le bruit engendre une importante modification
de nos comportements. Les checheurs ont montré que, dans une ambiance bruyante,
on est moins enclins à aider son prochain en difficulté.
Ceci dit, nous devons d'être en vie à la rapidité de notre esprit, ce qui n'est
donc pas un défaut en soi. Pour revenir à la concentration, si la fonction est
là, si son accès est rendu difficile par les composantes de notre siècle
turbulent, c'est donc une méthode qui est à redéfinir, pour réutiliser
convenablement et à volonté cette fonction indispensable.
L'Orient qui a longuement pensé cette fonction pour l'utiliser dans les voies
spirituelles, propose en gros deux styles de méthode : un dur et un doux. Le
dur, peu adapté à notre mentalité occidentale, pourtant proposé dans certaines
salles de Yoga mal adapté, consiste à "forcer" le mental et à lui imposer
jusqu'au découragement ou l'explosion, la fixation. Le style doux, préférable
parce que mieux adapté à nos habitudes, nos moeurs, notre temps, notre culture,
prend le parti pédagogique et choisist de respecter l'être. Il passe donc par
une prise en compte du fonctionnement mental habituel, son exploration, puis son
utilisation pour amener progressivement, sans frustration ni douleur et avec
efficacité, la fixation de l'esprit.
Cette expansion du champ de la conscience passe par la prise en compte des 11
sens dénombré par la philosophie indienne, à savoir 5 organes des sens, 5
organes d'action et... le mental dont la fonction principale est de centraliser
les susnommées.
Ce n'est pas un travail facile, mais si la pratique est adaptée à chacun, la
compréhension du fonctionnement mental s'effectue. Il suffit d'un entraînement
régulier (la séance hebdomadaire en est l'occasion) pour conserver cet acquis
appréciable.
Bonne pratique.