INSTITUT LEININGER - Ecole de Yoga du K.R.I.Y.A.
- Un bon mental, une bonne philosophie de vie, un corps souple et fort pour mieux vivre sa vie -
Quart de siècle (Rig Neilen)
La p'tit' auto ...
C'était une petite voiture, timide et jolie comme un camion neuf. Elle était si
timide, que lorsqu'on la regardait, elle allait vite se cacher derrière les
grosses berlines. C'est pour cela que le concessionnaire ne pouvait jamais la
vendre : dès que quelque client s'intéressait à elle, sa belle carrosserie
bleu-vert tournait au rouge et elle clignait des phares, avant de chercher à se
camoufler derrière les grosses cylindrées.
Un
jour, elle fut remarquée plus intensément que d'habitude par un homme qui lui
trouva un beau châssis. Quand son regard croisa celui du client, elle en tomba
amoureuse et elle sentit un grand frisson tout au long de son arbre à cames, et
son radiateur enfla de joie. Il effleura son aile, ce qui lui fit un bien fou,
et, de bonheur, elle se mit à battre des portières.
Quand
le monsieur la prit par le volant pour l'amener, elle eut un léger sentiment de
honte, du fait qu'il avait payé pour la prendre. Mais ce petit homme semblait si
plein de douceur, ce qu'elle percevait bien lorsque de sa main chaude et ferme
il caressait son levier de vitesses, que ce sentiment disparut et qu'il laissa
la place à la confiance, et ce, de plus en plus vitre. Elle était heureuse
qu'enfin, ils puissent ensemble tourner dans la même direction, lui ses yeux et
elle, son pare-brise.
Sa
timidité s'en alla définitivement le jour où le monsieur décida, par une belle
journée, de lui enlever sa capote. Elle tenta bien de résister en resserrant les
sangles de maintien, mais avec sa tendresse habituelle et des gestes précis, il
parvint à ses fins. Elle fut d'abord gênée qu'il la vît ainsi toute nue, mais
après ce premier moment de pudeur exagérée, elle se détendit, et ils partirent
ensemble faire une longue balade par les petites routes à travers champs et
bois.
Elle
l'attendait souvent ; ils vécurent ainsi longtemps, mais n'eurent jamais
d'enfants. Ils se séparèrent un jour, après bien des kilomètres : arrivée à un
âge avancé, sa peinture fanée, elle n'eut pas de pot, et fut laissée par son
beau monsieur, qui s'éprit d'une jeune berline fraîchement sortie de l'usine,
une de ses jeunettes sans expérience qui allait lui faire claquer son fric,
entre le carburant, l'assurance, l'entretien ...
La
p'tit' auto se fit une raison et désormais, resta seule et accepta ce destin,
heureuse des souvenirs des milliers de kilomètres parcourus avec son gentil
monsieur. Elle est visible, à présent, à la casse des Ets Golbert, 33 route de
Verdignou, à Bronchères sur Orteil, où on la déshabille à volonté, pour quelques
pièces.
Comme
quoi, l'argent ...